Avec Gabor Tverdota, chargé de recherches à l’ARC ASBL.
La lutte contre la grande pauvreté mobilise, de façon récurrente, la dignité des personnes comme un concept directeur et fédérateur. Si l’indignité des situations et des personnes est le motif de référence d’un nombre croissant de problèmes fédérateurs socialement (depuis les devoirs de mémoire jusqu’à la sensibilité aux maltraitances animales), elle parvient rarement – dans le cadre de la grande pauvreté – à dépasser l’insensibilité sociale. N’est-ce pas parce que la grande pauvreté donne à voir une indignité quotidienne, moins spectaculaire que celle des récits de torture ou des rescapés des camps de concentration, mais qui n’en est pas moins dévastatrice ?
Par ailleurs, cette indignité quotidienne de la grande pauvreté est le produit et/ou la conséquence des dispositifs de gestion de la vie des populations mis en place par l’État : ce que l’on nomme, depuis Foucault, la biopolitique. L’envers de celle-ci, la thanatopolitique, concerne les dispositifs de gestion de la mise à mort des populations indésirables et/ou dangereuses pour la survie et/ou la reproduction de l’État. Mais la description adéquate de cette indignité quotidienne demande un troisième concept de gouvernance : la nécropolitique (concept forgé par Norman Ajari), qui concerne spécifiquement la gestion de l’espace de l’indigne. Cet espace ne se situe ni du côté de la vie, ni du côté de la mort, mais bien dans l’entre deux. Si la production de cet espace intermédiaire entre vie et mort est le but de la nécropolitique ses moyens sont des dispositifs et des institutions créant des conditions d’une vie proprement invivable, où vie et mort deviennent presque indistinctes.
Bruxelles voit, chaque année, grimper le nombre de grands précaires qui, d’espaces en espaces, donnent à voir cette nécropolitique active de l’État. Qu’apporte une analyse de Bruxelles comme nécropole des pauvres ? Comment repenser, sur cette base et à nouveau frais, le problème de la dignité ?
Que penser d’un État producteur de mort-vivants ? Telle est notre problématique.
Pour lire l’étude correspondante à cette intervention, voir : https://arc-culture.be/blog/publications/letat-social-actif-et-ses-pauvres-reflexions-sur-la-dimension-culturelle-des-politiques-dactivation/
Le mardi 18 juillet de 12h à 14h
Chez DoucheFLUX, rue des Vétérinaires 84, 1070 Bruxelles.
Inscription souhaitée (sandwiches offerts) : marionnicolas[at]hotmail.com