Avec un représentant de ATD-Quart Monde, Oliver Van Goethem, expert du vécu et Ludwig Simon, figure de la cause des mendiants à Namur.
Pour chaque définition de la pauvreté, on s’expose à manquer, voire à nier, un aspect essentiel de la réalité et/du vécu des personnes précarisées par la pauvreté. Cet écueil est omniprésent dans les politiques de luttes contre la (grande) pauvreté, en particulier quand ces dernières demeurent dans un rapport d’extériorité avec ceux qui sont directement concernés par ses décisions et orientations : au nom d’un savoir sur la pauvreté et les solutions à mettre place, on impose des règles, on infantilise, animalise, réduisant à quelques variables primaires une réalité pourtant infiniment complexe.
Cette problématique n’a pas échappé à certains acteurs. ATD Quart Monde fonde sa pratique sur cette idée fondamentale : l’expérience de la pauvreté fonde elle-même un savoir, et c’est sur la base de la reconnaissance et de l’intégration de celui-ci que la lutte contre la pauvreté peut espérer atteindre une certaine efficacité. C’est ce dont témoigne la formulation de leur mission : « Les personnes en situation d’extrême pauvreté sont les premières à refuser la misère. Elles ont une connaissance et une expérience uniques qui peuvent abaisser les barrières séparant les personnes et les peuples. En unissant nos courages, nos intelligences, notre créativité, un autre monde est possible. » C’est aussi la perspective adoptée par le service belge des Experts du vécu (SPP Intégration Sociale) : « Si, en tant que services publics, nous voulons combler ces fossés, nous ne pouvons le faire sans la participation de personnes ayant vécu ou vivant cette expérience de pauvreté. Celles-ci sont les mieux placées pour inventorier les écueils. Elles sont aussi les seules qui peuvent se prévaloir d’une expérience transversale avec différents services et ainsi, les plus à même d’évaluer les mesures efficaces ou non dans l’approche de la pauvreté. »
Qu’il s’agisse d’ATD ou des Experts du vécu, différents problèmes peuvent être soulevés : peut-on parler d’une expertise, alors même que la prise de distance est si faible que les écueils vécus au quotidien ont toutes les chances de se reproduire dans la posture « experte » du pauvre ? Si une expérience du vécu de la pauvreté est pertinente, une expérience détachée de ce même vécu ne peut-elle être plus/aussi pertinente pour penser les moyens d’en sortir ? Rendre de la dignité à la personne pauvre est un chantier immense, mais cela représente-t-il une émancipation si les conditions socio-politiques et culturelles qui génèrent l’indignité ne sont pas elles-mêmes mises en question ? Peut-on considérer qu’il faut reconnaître la pauvreté comme une minorité qui mérite respect, dignité, et non-discrimination, ou comme un phénomène social qui doit disparaître, parce qu’il est intrinsèquement indigne ?
Telle est alors la question de ce 25e Think Tank : la pauvreté est-elle/permet-elle un savoir ? Mais, plus fondamentalement, est-ce toujours, ou à quelles conditions, un savoir ? Reconnaître un savoir revient-il vraiment à donner du pouvoir ? La reconnaissance du savoir porté par les personnes pauvres a-t-elle augmenté leur pouvoir d’agir, ou bien a-t-elle seulement conféré une dignité à l’indigne, sans que – de ce savoir – soit né le pouvoir de sortir de l’inégalité première qui l’a conditionné ?
Le jeudi 3 mai 2018 de 12h00 à 14h
Chez DoucheFLUX, rue des Vétérinaires 84, 1070 Bruxelles.
Inscription souhaitée (sandwiches offerts) : accueil@doucheflux.be