APPEL : Davantage de moyens ? Davantage de solutions !

Bruxelles, le 25 mai 2023

À la suite d’une série de débordements mettant en danger la sécurité des travailleurs sociaux et des bénéficiaires dans plusieurs services d’accueil autour de la gare du Midi, nous avons crié, inquiets mais non sans clairvoyance : « Précarisation galopante de pans entiers de la population et absence systémique de solutions, voilà le cocktail explosif ».

Face à la violence immédiate, la réponse spontanée est sécuritaire et préventive. Notre volonté immédiate est de préserver un essentiel bien-être minimal pour les équipes, de toute façon exposées au risque dans un accueil bas seuil et en première ligne. Mais la réponse sécuritaire est insuffisante et ne satisfait pleinement personne.

Nous, associations bas seuil et de première ligne, nous affirmons le lien entre les violences subies par les équipes et le manque vertigineux de solutions qu’elles peuvent proposer, faciliter, explorer.
Quand on ne peut que s’inscrire sur une interminable liste d’attente pour un logement social, quand on doit attendre des mois pour un lit en psychiatrie, quand les lieux de cure de désintoxication sont chroniquement saturés, quand des régularisations au compte-goutte et sur base de critères flous ferment l’horizon de vie de milliers de personnes, quand des jeunes en errance « choisissent » de tourner le dos à une société qui ne leur offre aucune perspective réelle, quand le nombre de personnes sans chez-soi semble croître avec celui des bâtiments inoccupés… rien n’est plus prévisible, normal et légitime, que le découragement et la colère.

Souvent réduit·e·s à dire « Désolé, courage… et bonne chance ! », les travailleuse·r·s de terrain œuvrent en terrain miné de bombes à retardement étiquetées « no solution ». Sans oublier qu’en invitant les personnes à aller frapper à une porte qui, en réalité, bien souvent, n’existe pas, on contribue à invisibiliser ces personnes et, dans la foulée, l’absence sociétale de véritables solutions.
Nous, associations bas seuil et de première ligne, sommes le réceptacle débordant des ratés du système et des victimes qu’ils engendrent, sommes à l’extrémité d’une longue chaîne de « rendez-vous manqués » entre la société et des personnes au parcours chahuté, parfois depuis la tendre enfance, nous sommes les rustines d’un pneu inexistant pour beaucoup, sommes autant « à bout de souffle » qu’à bout de solutions.

Nous nous faisons « lanceuses d’alerte » et refusons d’être laissées à nous-mêmes dans une impasse sociétale dont nous ne sommes pas responsables.

Des situations spécifiques exigent des dispositifs spécifiques et des budgets de crise dédiés, mais, sous peine d’inanité, ils doivent s’inscrire et trouver leur pertinence dans le cadre plus général d’un diagnostic : une société en train de se déliter, lentement mais inexorablement, pour beaucoup.
Nous avons pu constater que face à une crise sans précédent, celle de l’exode des Ukrainiens, des solutions d’accueil, d’hébergement, d’ouverture de droits, d’accès au travail et au logement ont été rapidement et efficacement mises en œuvre. Comme quoi, quand on veut vraiment, on peut tout à fait.
Pour le public que nous accueillons, en butte à une précarité devenue chronique, nous sommes face à un constat sans appel : les pouvoirs publics ne manquent pas de moyens. Ce qui fait défaut, c’est la volonté politique.

Nous, associations du secteur social et de la santé qui travaillons quotidiennement avec les personnes sans chez-soi, en précarité de séjour, qui rencontrent des problèmes de santé et de santé mentale, voire de consommation, nous appelons les pouvoirs publics − de la Région de Bruxelles-Capitale, du Secrétariat d’État à l’Asile et la Migration, du Ministère de l’Intérieur, du Ministère fédéral de la Lutte contre la Pauvreté et des communes d’Anderlecht, Bruxelles-Ville et Saint-Gilles − à prendre contact avec nous dans les plus brefs délais afin de reconnaître une situation de « crise », nécessitant la mise en place conjointe de mesures à même d’améliorer les conditions de travail des équipes de terrain et d’offrir des perspectives de vie concrètes et dignes aux personnes les plus précarisées de la Région bruxelloise… sauf à décider que, pour elles, on en fait déjà assez ?

Premiers signataires : AMO Rythme, Bulle, DoucheFLUX, L’Ilot, Infirmiers de rue, La Rencontre, Macadam, Pierre d’Angle, Sarparast, Rolling Douche, SOS Jeunes – Quartier Libre ASBL 
 

Contact presse / Devenir signataire : Laurent d’Ursel – 0471 41 10 08 – laurent.dursel@doucheflux.be

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