« Quel est le sceau de la liberté acquise ? Ne plus avoir honte de soi-même ». Ainsi s’exprimait Nietzsche à l’occasion de la découverte du Gai savoir. Lutter contre la pauvreté, n’est-ce pas aussi lutter contre la honte d’être pauvre. On sait combien la pauvreté et la vie dans la rue peuvent injecter de sentiment honteux à celui qui en éprouve la condition. Essentiellement subie, le motif de la honte incorpore toute une politique de la gestion du soi, en particulier chez ceux pour qui la honte est la résultante d’un état de fait socio-économique, mué en état d’être au réel.
Précisément, il semble absolument nécessaire aujourd’hui de ré-évaluer la pauvreté politique : celle qui offre la lutte à l’exercice de se départir des aliénations de la pauvreté et qui tend à prendre la température de ce que signifie cesser d’avoir honte des conditions qui sont les nôtres. « La pauvreté : honteuse ou politique ? » : La question sera celle de la vie de chien et de sa lutte contre la honte, que les cyniques grecs avaient propulsé au rang de suprême art de vivre. Nietzsche l’avait d’ailleurs compris avec eux : « La honte est la souffrance proprement humaine ; les animaux ignorent la honte ».