26 mars 2015
Organisé au sein du dispositif hivernal du Samusocial
Présents : Nicolas Marion, Laurent d’Ursel, Edwin Lavallée, Panda Agostino, Touati Jackson.
L’habitat est un quelque part. Au niveau de l’état civil, il est concerné par le droit : fondamental d’abord, et particulier ensuite. On relève le droit fondamental d’un droit au logement et un système juridique particulier, le code du logement, censé établir les conditions d’un respect du droit fondamental auquel il est tenu de correspondre. Immédiatement, le droit divise l’habitat sur ses infinitifs : il s’agit bien de loger et non simplement d’habiter. En d’autres mots, il s’agit de faire quelque part sa demeure, sa résidence permanente ou provisoire. La ligne sémantique opère le découpage : le droit suppose un faire. La première interrogation fut donc : peut-on faire de la rue sa résidence permanente ?
A la lettre, les SDF sont les conséquents d’une incapacité, celle du faire demeure, et d’une perte, celle du logement. Et cette dernière en entraîne tant d’autres. L’inverse est également possible : de l’incapacité à la perte, de la perte à l’incapacité, ad nauseam. L’indice, c’est que c’est l’être-relégué-à-la rue qui catégorise et inscrit dans la représentation humaine toutes les pertes possibles (de santé, de raison, de richesse, de langage, etc.) comme des traces conséquentes de la perte du logement, et comme des symptômes de l’incapacité. Ainsi, le SDF n’habite plus nulle part : il hante les espaces urbains, c’est-à-dire qu’il les occupe de sa présence.
La teneur de l’article du droit annonce la totalité de l’absence :
Article 3. Chacun a droit à un logement décent. Il convient à cette fin de favoriser la mise à disposition d’un logement conforme aux règles de qualité (sécurité, salubrité et équipement), abordable financièrement, procurant une sécurité d’occupation, adapté au handicap, jouissant d’un climat intérieur sain, pourvu d’une bonne performance énergétique, connecté à des équipements collectifs et autres services d’intérêt général (notamment, écoles, crèches, centres culturels, commerces et loisirs). Il appartient aux pouvoirs publics, entre autres, de créer les conditions nécessaires à la réalisation de ce droit fondamental.
Doux euphémisme que l’étiquette « habitant de la rue » collée aux précaires qui hantent les rues.
Habiter quelque part, même sans habitat. Ainsi s’impose une nécessité incontournable de la vie humaine, question dont les intensités sont très variables suivant le niveau socio-économique de celui qui se la pose. La fixité et la constance de l’habitation, voilà qui offre le critère de séparation entre le SDF et le citoyen des villes. Mais, à la lettre, peut-on affirmer qu’on habite la rue, comme le laisse entendre le nouvel euphémisme sensé désigner les précaires relégués à la vie en rue : les habitants de la rue ? La ville et ses rues, de quel genre d’habitat parle-t-on ? Et comment en parlent ses locataires ? Telle fut la question directrice de ce Think Tank.
Cette rencontre fut exceptionnelle pour deux raisons : organisée en étroite collaboration avec le Samusocial de Bruxelles, elle aura été élaborée sur base de plusieurs rencontres avec ses « usagers », amplement concernés par le problème que nous nous sommes posé, et se sera tenue, avec ces derniers, dans les murs du plan hivernal du Samusocial.
Enfin, ce Think Tank a aussi été l’occasion d’une collaboration entre DoucheFLUX et SANS-TITRE, plate-forme indépendante de recherche, d’exposition et d’édition numérique, dont le dernier numéro initiait le thème de notre rencontre : « La cité, ou comment la ville nous habite ? ». Les témoignages, propos et considérations occasionnés par la rencontre y ont été recueillis et diffusés dans un format audio-radio, encore en cours de montage actuellement.