DoucheFLUX – Think Tank Poverty #30 (spécial 10 ans de DoucheFLUX) – 11 juin 2022 @ The Egg Brussels
Il est intéressant de célébrer dix années d’existence d’une asbl comme DoucheFLUX en interrogeant la possibilité – sinon la nécessité ? – de sa fermeture. Consacrée – avec beaucoup d’autres structures du même type – à atténuer l’indignité fondamentale qu’imposent les conditions d’existence de « l’immensité » à un nombre toujours trop grand de personnes – à Bruxelles comme partout en Europe, DoucheFLUX est aujourd’hui pleinement engagée dans un étrange objectif. Il s’agit d’en finir avec ce qui justifie pourtant son existence : le sans-chez-soirisme. Et si l’un des constats amers auquel doit se mesurer chaque association qui lutte contre le sans-chez-soirisme n’est autre que celui de l’augmentation tendancielle de ce dernier, à quel horizon positif peuvent s’accrocher les associations du secteur pour justifier la permanence de leur existence et de leur travail quotidien ?
Si le cynisme empêche de fournir pour seule réponse à cette question la reproduction (voire l’augmentation) tout aussi tendancielle des emplois qui assurent à ce secteur son « efficacité », il ne reste alors que deux options : accepter la fatalité (le sans-chez-soirisme est éternel) ou décider de la fin (le sans-chez-soirisme est un crime contre l’humanité qui doit être aboli). Dans un cas, la résignation fataliste conduit à – inconsciemment ou non – favoriser le renforcement de l’état de chose (et l’on ne compte plus, alors, la quantité de fausses bonnes idées qui redoublent de créativité et d’enthousiasme à rendre l’invivable vie des immenses « survivable »). Dans l’autre, on se donne les conditions de la fin (plus aucune personne sans logement) et on évalue comment on en organise l’exercice (combien ça coûte ? avec quelles méthodes et sur base de quelles interventions ? suivant quelles priorités et avec le concours de quels soutiens ? et, enfin, avec quelle échéance ?).
Il semble que la seconde option commence, grâce à l’engagement de ses militants, à gagner le cerveau de ceux et celles qui disposent peut-être des plus grands leviers pour « arrêter le massacre » : décideurs·euses politiques d’une part, acteurs·rices du secteur d’autre part. C’est à ces personnes qu’une question urgente s’impose désormais : la date de 2030 est avancée comme l’échéance de la fin du sans-chez-soirisme, alors – puisqu’il ne reste que 8 ans – quel est le plan concret (budgétisé, établi étape par étape, avec une précision claire sur les objectifs visés et les moyens d’évaluer l’impact des actions menées) ? En d’autres termes, à échelle belge, il reste la fin de cette législature et la suivante pour atteindre cet objectif. Si l’on ne veut pas qu’il ne s’agisse que d’un vœu pieux, que reste-t-il à faire ? Politiquement, d’abord, mais même au niveau des associations : que signifie en finir avec un secteur ? À se dire « DoucheFLUX ferme bientôt ?! », peut-on espérer ne pas avoir la joie de célébrer les 20 ans de l’asbl ?
Avec Alain Maron, Laurent d’Ursel, Christine Mahy, Arianne Dierickx, Véronique Jamoulle et Pierre Verbeeren.